Platon : Vie, Œuvre et Héritage Philosophique

Auteur : Dr. Claude Ahouangninou, Maître de Recherche à IIRDD/Canada
Courriel : claude.ahouangninou@iirdd.ca / cahoun83@yahoo.fr 

Figure fondatrice de la philosophie occidentale, Platon (env. 427 av. J.-C. – env. 347 av. J.-C.) demeure une référence incontournable dans l’histoire de la pensée. Il a profondément marqué le développement de la philosophie occidentale en particulier, à laquelle il a apporté une structure systématique à travers des concepts métaphysiques, épistémologiques, politiques et éthiques. Disciple de Socrate dès sa jeunesse et maître d’Aristote, il a non seulement révolutionné cette tradition philosophique en posant les bases de la métaphysique, de la théorie de la connaissance et de la philosophie politique en Occident, mais il a aussi fondé la première grande institution philosophique de l’Antiquité Occidentale : l’Académie d’Athènes. Son œuvre, composée presque exclusivement de dialogues, explore les questions fondamentales du vrai, du juste, du beau, de l’âme et de la cité idéale.

Ce travail propose d’explorer trois axes majeurs de la figure platonicienne : i) sa vie, replacée dans le contexte historique et culturel de son époque, avec une attention particulière à ses voyages formatifs en Égypte antique (Kemet) ou Tamery et en Italie antique (Grande Grèce) ; ii) son œuvre philosophique, à travers les grands dialogues et les concepts fondamentaux qui la structurent ; et enfin, en iii) l’héritage durable de sa pensée, tant dans la tradition occidentale que dans les résonances avec les sagesses anciennes africaines.



Cette approche permettra de mieux comprendre l’ampleur de l’influence platonicienne et de restituer sa pensée dans un cadre civilisationnel plus large, à la croisée des cultures.



I. Vie de Platon



Platon, né à Athènes dans une famille aristocratique, fut profondément influencé par la figure de Socrate, qu’il rencontra dans sa jeunesse. Il assista à la condamnation à mort de son maître en 399 av. J.-C., un événement déterminant qui marqua le début de sa carrière philosophique.



Après ce drame, Platon entreprit de longs voyages qui l’amenèrent en Égypte noire antique (Kemet), où il aurait étudié pendant treize années auprès des prêtres des temples de Héliopolis, Memphis et Thèbes. Il y fut instruit par des maîtres tels que Sonnopée, Oenouphis d’Héliopolis et d’autres sages mentionnés dans les traditions antiques. Ces noms sont rapportés notamment par Jamblique dans La Vie de Pythagore (1989), par Clément d’Alexandrie dans Stromates (1999), ainsi que par James (2013) qui reprend ces sources pour montrer la filiation entre sagesse égyptienne et philosophie grecque. Diop (1981) et Obenga (2009) ont également montré que de nombreux concepts que l’on retrouve chez Platon, notamment ceux relatifs à l’âme, à l’initiation, à la hiérarchie sociale et à l’ordre cosmique, existaient déjà dans la philosophie de l'Égypte antique.



Il poursuivit ensuite ses pérégrinations en Italie et en Sicile, où il rencontra les pythagoriciens de Crotone. 



Selon la majorité des sources anciennes et modernes, ces rencontres eurent lieu après son séjour prolongé en Égypte. Il avait alors déjà acquis une solide formation auprès des prêtres de Kemet/Tamery dans des disciplines telles que la cosmologie, la géométrie sacrée et l’arithmétique spirituelle. Ainsi, ses échanges avec les pythagoriciens, notamment Archytas de Tarente et les disciples de Philolaos, viennent consolider un savoir déjà assimilé en Égypte noire antique. Cette chronologie est corroborée par Diogène Laërce (Vies et doctrines des philosophes illustres, livre III, 6–24.), Plutarque (Vie. Tome XIV : Dion - Brutus), ainsi que par James (2013), qui précise que les écoles pythagoriciennes elles-mêmes s’inspiraient des enseignements des temples égyptiens.



Selon James (2013, p. 201), citant Diogène Laërce (Livre VIII, p. 399), Platon aurait payé un pythagoricien du nom de Philolaos pour obtenir un livre contenant des enseignements ésotériques, à partir duquel il aurait copié le contenu du dialogue Timée. Ce témoignage, rapporté dans Stolen Legacy, suggère une transmission directe d’éléments pythagoriciens déjà fortement influencés par la cosmologie égyptienne.



Toutefois, selon plusieurs sources antiques et modernes, Platon aurait déjà été initié aux mathématiques bien sa rencontre avec les pythagoriciens, au cours de son long séjour en Égypte. Là-bas, les prêtres de Héliopolis et de Memphis lui auraient transmis les fondements de l’arithmétique sacrée, de la géométrie et de l’astronomie, disciplines intégrées dans la formation spirituelle et cosmologique de l’époque.  Cette transmission est attestée par Jamblique dans La Vie de Pythagore (Jamblique, 1989), où il indique que les temples égyptiens formaient les sages grecs. Strabon (Géographie, Livre XVII, 1, 29), confirme que les Grecs tenaient leurs connaissances scientifiques de l’Égypte antique. James (2013) précise que Platon aurait étudié ces sciences auprès des prêtres. Diop (1981) et Omotunde (2009) soulignent que ces disciplines faisaient partie intégrante de la pédagogie sacrée dispensée dans les temples de Tamery/Kemet (Egypte noire antique). 



Les pythagoriciens de Crotone auraient ainsi davantage renforcé ou systématisé des connaissances que Platon possédait déjà. De retour à Athènes, Platon fonda l’Académie vers 387 av. J.-C., première grande institution philosophique d’Occident. Il y enseigna pendant près de quarante ans, transmettant à ses disciples les fondements d’une pensée rationnelle et spirituelle profondément marquée par ses expériences à Tamery ou Kemet (Egypte noire antique). Platon tenta aussi, sans succès, d’influencer la politique de Syracuse, notamment auprès du tyran Denys II. Ces expériences renforcèrent sa conviction que seule une cité gouvernée par des philosophes pouvait être juste.



II. L’Œuvre de Platon



Platon aurait rédigé une trentaine de dialogues, mettant souvent en scène Socrate comme personnage principal. Mais environ 22 de ces dialogues sont considérés comme authentiques de façon consensuelle. Les dialogues de Platon couvrent un large éventail de thèmes, de l’éthique à la politique, en passant par l’ontologie, l’esthétique et l’épistémologie.



A. Les concepts fondamentaux développés dans les dialogues


Nous proposons ici d’analyser quelques-unes des idées maîtresses développées dans ses dialogues les plus influents.



1. La théorie des Idées (ou Formes)


Platon distingue le monde sensible, changeant et imparfait, du monde intelligible, stable et parfait. Ce dernier contient les Idées ou Formes : des entités immuables comme le Beau, le Juste, l’Égal. C’est ce monde qui constitue la véritable réalité, tandis que le monde sensible n’en est qu’une copie dégradée. Diop (1981) et Obenga (2009) montrent que cette distinction entre monde visible et invisible, entre réalité matérielle et réalité intelligible, existait déjà dans la pensée pharaonique, notamment à travers les notions de Khaï (forme apparente) et Ba (essence ou principe spirituel).



2. L’allégorie de la caverne


L’inspiration de cette allégorie trouve des échos dans les traditions de Tamery (Égypte noire antique), où la symbolique de la lumière et des ténèbres était centrale dans les enseignements des temples. La montée hors de la caverne peut être rapprochée du cheminement initiatique égyptien : quitter l’ignorance pour accéder à la lumière de la vérité, symbolisée par le soleil (Râ). Plusieurs auteurs suggèrent que Platon aurait transposé ces concepts dans un cadre grec, sous forme dialectique et philosophique. Parmi eux, Diop (1981), Obenga (2009), James (2013) ainsi que Assmann (2002) soulignent les profondes analogies entre les doctrines platoniciennes et les enseignements égyptiens antiques transmis dans les temples de Tamery. James (2013) affirme notamment que des figures majeures comme Platon ont repris et adapté des doctrines provenant de la sagesse égyptienne antique. Dans La République, Platon propose l’une des images les plus célèbres de sa pensée : des prisonniers enchaînés dans une caverne prennent les ombres sur la paroi pour la réalité. Seul un philosophe, libéré et monté à la lumière du soleil (l’Idée du Bien), accède à la vérité. Cette allégorie illustre le cheminement philosophique vers la connaissance véritable.



3. L’âme et la réminiscence


La doctrine de la réminiscence (anamnesis), selon laquelle l’âme se souvient d’un savoir acquis avant sa naissance, trouve également des parallèles dans la pensée de Tamery/Kemet (Egypte antique). Les prêtres égyptiens enseignaient la préexistence de l’âme, son passage par des cycles de purification, et l’importance de se souvenir des vérités divines. Cette conception de l’âme immortelle comme réceptacle de la vérité, accessible par introspection, pourrait avoir inspiré la formulation platonicienne transmise dans le Phédon et le Ménon. Selon James (2013), cette idée proviendrait directement de la tradition égyptienne de l’âme éternelle circulant entre les cycles de vie, initiée et purifiée dans les temples de sagesse. Platon affirme que l’âme est immortelle et préexiste au corps. Connaître, c’est se souvenir (anamnesis) des Idées contemplées avant l’incarnation. Cela implique un apprentissage intérieur guidé par la dialectique.



4. La cité idéale et les philosophes-rois


L’idée d’une société hiérarchisée en classes, gouvernée par une élite savante, trouve également des parallèles dans la philosophie politique de l’Égypte antique. Obenga (2009) met en évidence la structuration de l'État pharaonique autour de principes d’ordre cosmique et social, où les prêtres et sages occupaient une place déterminante dans l’administration du royaume, dans un rôle similaire à celui des philosophes-rois chez Platon. Dans La République, Platon imagine une société hiérarchisée en trois classes : les producteurs, les gardiens et les philosophes-rois. La justice réside dans l’harmonie entre ces classes, chacun remplissant la fonction qui lui est propre. Ce modèle, souvent critiqué, a néanmoins influencé la pensée politique occidentale.



5. L’amour et la beauté


Dans Le Banquet et Phèdre, Platon décrit l’amour (éros) comme un élan vers la beauté absolue. Cet amour, d’abord physique, doit s’élever vers l’amour de l’âme, puis vers l’Idée de Beauté elle-même. L’amour est ainsi une voie d’élévation spirituelle.



Plusieurs philosophes africains, notamment Diop (1981) et Obenga (2009), soulignent que cette conception graduelle de l’amour et de l’élévation vers la beauté divine était déjà présente dans la tradition spirituelle de Tamery (Égypte antique). On y trouvait une valorisation de la beauté comme manifestation de Maât (ordre, harmonie) et une conception de l’amour comme force de cohésion cosmique, exprimée à travers les hymnes, les maximes morales et les enseignements initiatiques des temples.



Concernant l’amour physique (éros), les textes égyptiens évoquent souvent l’attirance charnelle et sentimentale dans des poèmes d’amour, des chants et des rituels liés à Hathor, déesse de l’amour, de la beauté et de la fécondité. Ces manifestations montrent que l’expérience amoureuse chez les Égyptiens incluait aussi bien une dimension sensuelle que spirituelle, intégrée dans un cadre moral et cosmique. Ce double aspect pourrait avoir inspiré la progression platonicienne de l’eros vers l’amour de l’âme. Cet amour, d’abord physique, doit s’élever vers l’amour de l’âme, puis vers l’Idée de Beauté elle-même. L’amour est ainsi une voie d’élévation spirituelle.



6. L’âme tripartite 


Dans La République et Phèdre, Platon distingue trois parties de l’âme : la raison (logistikon), le courage ou volonté (thumos), et le désir (epithumia). Cette division permet à Platon de concevoir une hiérarchie interne de l’âme, analogue à celle de la cité idéale. La raison doit gouverner, la volonté doit seconder la raison, et le désir doit être maîtrisé. Cette conception n’est pas sans rappeler les enseignements des prêtres de Tamery (Égypte noire antique), où l’âme était aussi pensée comme composée de plusieurs éléments en interaction avec les forces cosmiques et morales. Diop (1981, pp. 284–292) dans Civilisation ou barbarie et Obenga (2009, pp. 156–168) dans La philosophie africaine de la période pharaonique ont montré les similitudes entre cette conception tripartite et celle de l’anthropologie égyptienne, qui distinguait le ka (force vitale, désirs matériels), le ba (personnalité, identité personnelle, énergie individuelle) et le akh (esprit lumineux, élévation spirituelle, principe divin), comme principes constitutifs de l’être humain. L’Akh représente la part immortelle, spirituelle, lumineuse de l’être humain, en lien avec l’ordre cosmique et la vérité. Comme le logistikon, il est censé guider l’âme vers le Bien et la connaissance. Le Ba est la force de vie dynamique, identitaire, libre et mobile. Il symbolise l’individualité active, proche du rôle du thumos chez Platon, qui se bat pour la vertu et soutient la raison. Le Ka est la force vitale liée aux besoins corporels, à l’alimentation, à la sexualité, etc. Il correspond au epithumia, domaine des appétits que la raison doit maîtriser.



7. La dialectique


Dans Parménide, Sophiste, Philebe et La République, la dialectique est l’art suprême de la pensée, permettant d’atteindre l’Idée du Bien à travers un raisonnement rigoureux qui part du sensible pour s’élever à l’intelligible. Elle consiste en une méthode d’interrogation critique, de division des concepts et d’élévation intellectuelle par étapes. Platon distingue la dialectique des autres formes de discours (rhétorique, éristique) par son orientation vers la vérité et non vers la persuasion. Cette méthode, centrale dans La République (Livres VI et VII), est aussi influencée par les traditions égyptiennes de raisonnement initiatique, notamment dans l’usage du symbolisme, des oppositions binaires, et des progressions hiérarchiques vers la connaissance divine, comme l'ont montré Diop (1981), dans Civilisation ou barbarie : Anthropologie sans complaisance, et Obenga (2009), dans La philosophie africaine de la période pharaonique : 2780–330 avant notre ère.



B. Aperçu des dialogues 




  • La République : Œuvre maîtresse de Platon, ce dialogue développe sa vision de la cité idéale, organisée selon une hiérarchie des fonctions : producteurs, gardiens et philosophes-rois. Il y introduit la théorie de la justice, la structure de l’âme, la théorie des Idées, l’éducation philosophique, ainsi que l’allégorie de la caverne. Ce texte est considéré comme l’un des piliers de la philosophie politique occidentale.




  • Apologie de Socrate : Ce dialogue présente la défense de Socrate lors de son procès à Athènes. Platon y expose les principes de la liberté de pensée, de la vertu et de la conscience morale. L’œuvre illustre le courage intellectuel de Socrate face à l’injustice et l’ignorance, et pose les bases de l’éthique platonicienne.




  • Criton : Dans ce court dialogue, Socrate, emprisonné, reçoit la visite de Criton qui l’incite à fuir. Socrate refuse, arguant que respecter les lois de la cité, même injustes, est un devoir moral. L’œuvre soulève une réflexion sur la justice, la citoyenneté et le respect de la loi.




  • Euthyphron : Dialogue sur la piété, où Socrate interroge Euthyphron sur la nature de l’acte pieux. Platon y montre la difficulté de définir le divin et introduit la méthode dialectique. Il met aussi en question la tradition religieuse au profit d’une rationalité morale.




  • Gorgias : Dans ce dialogue, Platon confronte la rhétorique sophistique à la philosophie. Socrate y critique la manipulation des foules par le discours et défend une conception exigeante de la justice et de la vertu, opposée au pouvoir et à l’illusion.




  • Théétète : Ce dialogue examine ce qu’est la connaissance. Socrate y réfute plusieurs définitions proposées par Théétète, soulignant les limites du relativisme et du sensualisme. Il ouvre la voie à une épistémologie fondée sur la réflexion critique.




  • Parménide : Dialogue complexe dans lequel Platon met à l’épreuve sa propre théorie des Idées à travers la critique de Parménide. Il en ressort une tension entre unité et multiplicité, et une réflexion sur la possibilité de penser l’absolu.




  • Sophiste : Ce dialogue poursuit le Parménide et cherche à définir le sophiste. Il introduit la notion de non-être et développe une logique de la différence. Platon y perfectionne la dialectique et affine sa métaphysique.




  • Cratyle : Ce texte traite de la relation entre les mots et les choses. Platon explore ici les limites du langage et s’interroge sur sa capacité à refléter le réel. Le dialogue préfigure les débats modernes sur la linguistique et la sémiotique.




  • Philebe : Platon y discute du bien suprême, en confrontant les partisans du plaisir et ceux de l’intellect. Il propose une synthèse où le plaisir mesuré et la raison se rejoignent dans une conception équilibrée du bonheur.




  • Timée : Dialogue cosmologique dans lequel Platon décrit la création du monde par un démiurge rationnel, en se fondant sur des principes mathématiques et harmoniques. L’influence de la cosmologie égyptienne y est notable. Le Timée a exercé une forte influence sur la pensée médiévale et renaissante.




  • Critias : Suite inachevée du Timée, ce dialogue raconte l’histoire de l’Atlantide, cité puissante mais décadente, opposée à l’Athènes idéale. À travers ce mythe, Platon illustre les conséquences de l’orgueil politique et la nécessité d’un ordre juste.




  • Les Lois : Dernier dialogue de Platon, dans lequel il conçoit une cité sans philosophes-rois mais fondée sur la législation. Il y mêle pragmatisme juridique, réflexion éducative et souci de la piété. L’œuvre complète et corrige La République dans une perspective plus réaliste.




  • Ion : Dialogue sur la poésie, où Socrate interroge un rhapsode sur la nature de son savoir. Platon y critique la prétention des poètes à la connaissance, soutenant que leur art procède plus de l'inspiration divine que d’un savoir rationnel.




  • Lysis : Ce dialogue traite de l’amitié. À travers une discussion entre Socrate et deux jeunes garçons, Platon explore les fondements du lien amical et les différentes formes d’amour qui en découlent.




  • Ménexène : Dialogue atypique où Socrate prononce un discours funèbre ironique imitant les oraisons officielles. Il pose une réflexion sur la rhétorique et le patriotisme.




  • Hippias Majeur : Dialogue sur la beauté, où Socrate tente de définir ce qu’est le beau en soi. Il critique les réponses superficielles de son interlocuteur et démontre la difficulté de saisir l’essence du beau.




  • Hippias Mineur : Dans ce dialogue, Platon s’interroge sur la vérité, la tromperie et la nature du savoir. Socrate y soutient paradoxalement que celui qui ment volontairement est plus savant que celui qui ment par ignorance.




  • Charmide : Dialogue portant sur la sophrosynè (tempérance). Socrate discute avec le jeune Charmide pour tenter de définir cette vertu essentielle de l’âme.




  • Lachès : Dialogue sur le courage, où Socrate questionne des généraux pour cerner cette vertu. Platon y montre comment la discussion philosophique sert à élucider des concepts moraux.




  • Euthydème : Dialogue sur l’éristique (art de la dispute) où deux sophistes cherchent à piéger Socrate avec des raisonnements fallacieux. Platon critique la vaine logique sophistique et valorise le vrai savoir.




  • Ménon : Dialogue sur la vertu, qui introduit la doctrine de la réminiscence. Ménon demande si la vertu peut s’enseigner. Socrate démontre que l’apprentissage est une forme de réactivation d’un savoir inné.




  • Clitophon : Dialogue très court et énigmatique, dans lequel Clitophon critique l’enseignement de Socrate, lui reprochant de poser plus de questions qu’il n’apporte de réponses concrètes.



  • Le Politique : Dialogue où Platon distingue le vrai savoir politique de la simple technique du pouvoir. Il y développe l’idée du tissage social et d’une politique guidée par le savoir.




  • Minos : Dialogue sur la nature de la loi. Platon y propose une définition philosophique du droit fondé sur la recherche du juste, au-delà des simples règles en vigueur.



  • Épinomis : Souvent considéré comme une œuvre tardive, parfois attribuée à un disciple, ce dialogue prolonge Les Lois et introduit des considérations mystiques sur le rôle de l’astronomie et de la théologie dans l’éducation politique.


  • Le Banquet : Platon y explore les différentes formes d’amour, allant du désir charnel à la contemplation du Beau absolu.


  • Phèdre : Examen de la rhétorique, de l’âme ailée et de l’amour spirituel, dans une tension entre persuasion et vérité.


  • Phédon : Platon décrit les derniers moments de Socrate, avec une démonstration de l’immortalité de l’âme et de la réminiscence.



III. Héritage et influence



L’influence de Platon est immense. Son Académie fut active pendant près de neuf siècles. Il a inspiré les néoplatoniciens, comme Plotin (Hadot, 1995), influencé profondément Saint Augustin, puis les penseurs médiévaux et modernes. Son opposition au relativisme des sophistes et sa quête d’un savoir fondé sur des principes universels résonnent encore dans la philosophie contemporaine.



Plusieurs chercheurs contemporains, comme Bernal (2020), dans Black Athena, Asante (2003), dans Afrocentricity, et Omotunde (2009), dans L'origine négro-africaine du savoir grec, ont souligné la nécessité de reconnaître les apports afroasiatiques dans la construction de la pensée occidentale. Omotunde (2009), s’inscrivant dans la lignée de Cheikh Anta Diop (Diop, 1981), insiste sur la continuité intellectuelle entre les humanités classiques africaines et la philosophie grecque, notamment à travers l’héritage des temples de Tamery.



Ils rejoignent en cela George G. James, Cheikh Anta Diop et Théophile Obenga, qui attribuent à l’Égypte antique un rôle fondateur dans la formation philosophique de Platon.



Au XXe siècle, des penseurs comme Alain Badiou (Badiou, 2012) ou Simone Weil relisent Platon dans une perspective politique ou spirituelle. Badiou (2012) voit en Platon un modèle pour repenser la vérité en politique, tandis que Weil (Hadot, 1995) admire son exigence morale et spirituelle. Son œuvre reste une source vive pour penser la vérité, la justice, la structure de l’État et la place de la connaissance. 



Conclusion



Platon est un des fondateurs majeurs de la philosophie occidentale, mais aussi un passeur entre traditions. Son œuvre incarne une quête de vérité et d’ordre qui trouve des résonances profondes dans les traditions sapientiales africaines. Reconnaître cette filiation, ce n’est pas réduire Platon, mais l’inscrire dans un horizon civilisationnel élargi et profondément humain. Par son œuvre foisonnante, il a jeté les bases de presque tous les grands domaines de la philosophie occidentale. Étudier Platon, c’est interroger les racines la culture occidentale, notre rapport à la vérité, au bien et au politique. C’est aussi comprendre que le philosophe n’est pas un simple théoricien, mais un guide de l’âme et un architecte de la cité.





Bibliographie



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Assmann, J. (2002). The Mind of Egypt: History and Meaning in the Time of the Pharaohs. New York: Metropolitan Books.



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